Mushrooms pickers, épisode 2 !
Nous sommes en direction de Kitimat. Plusieurs voitures sont garées en bordure de forêt, surement des ramasseurs de champignons…
Au programme du jour, activités primaires : randonnée-cueillette-pêche. Le chemin serpente dans une vieille forêt humide et suit un torrent. Nos yeux sont rivés sur le sol en quête de champignons, on oublierait presque de regarder les arbres et leurs « vieilles barbes ». Geo garde tout de même un œil sur la rivière dans l’espoir de sortir sa canne à pêche. Pour le moment, la cueilleuse et le pêcheur sont bredouilles.
Devant nous, une pente bien raide nous attend. La forêt se métamorphose. Au détour d’un virage, un petit chapeau blanc dépasse à peine de la mousse. Nous le prélevons délicatement, l’odeur si caractéristique de vieilles chaussettes et d’épices sucrés est bien présente. Aucun doute, nous avons à faire à notre premier spécimen de « Pine mushroom » !
Ce champignon pousse en bande, nous retournons toute la mousse aux alentours, tels des sangliers affamés. La technique est payante, deux autres se cachaient dans les parages. Le moral est au beau fixe. Nous poursuivons notre randonnée jusqu’au lac d’altitude en scrutant scrupuleusement la moindre forme convexe sous la sphaigne.
Nous reviendrons au véhicule au terme des 17 kilomètres avec une petite récolte de champignons et de myrtilles (dont la moitié a été perdue sur le chemin après accrochage du sac dans une branche, par Laure).
Ce soir, nous dégustons nos premiers « Pine », LA truffe des Japonais. Ils sont cuisinés natures pour ne pas altérer le goût. La déception se lit dans nos yeux. : ça goûte ce que ça sent, mais la texture est agréable !
Pour le moment, notre classement des champignons (selon le critère gustatif uniquement) : le lobster, la golden chanterelle, le hedgehog (pied de mouton) puis le Pine mushroom.
Arrivés à Kitimat, nous partons randonner le long de la baie Minette. Le paysage est caractéristique de l’ouest Canadien : fjord, forêt primaire humide, nuages (et pluie). Le jour suivant, nous sommes quasiment confinés dans Raccoon en raison de la pluie. L’humidité devient difficile à supporter dans le van. Le linge ne sèche plus, le lambris gonfle, les cheveux de Geoffrey frisent, et surtout, le besoin de douche se fait ressentir et sentir (on est moite !).
On plie bagage et nous reprenons la route en sens inverse. Nous longeons la rivière Kitimat, connue également pour ses saumons. Geo sort sa canne à mouche. Sur les berges de la rivière, l’odeur est horrible, quasiment insoutenable. Des cadavres de saumons jonchent le bord du cours d’eau. Mon envie de Sushi est bien loin…Je m’installe un peu en retrait pour rédiger un article du blog et surveille de loin mon pêcheur (on n’a qu’une bombe à ours).
La pêche au saumon au Canada : rien de technique. Oublie ton style de pêcheur à la mouche ! Tes lunettes polarisantes, ton chapeau beige en coton et ton épuisette en bois dans le dos sont parfaitement inutiles. Le saumon est là pour se reproduire et non pour s’alimenter. La première technique canadienne est donc de l’agacer avec un gros leurre coloré (ou une mouche) et lui passer devant le bécard (le nez). La seconde technique, bien moins avouable et non légale, consiste à lancer son leurre à proximité du poisson puis à tirer d’un coup sec, en espérant avoir accroché une nageoire, le dos, la queue, bref… n’importe quoi. Évidemment, dans ce cas, tu gardes le poisson, d’ailleurs les canadiens gardent quasiment tous leurs poissons.
Personnellement, l’odeur de pourriture des saumons morts-vivants m’interroge sur la qualité de l’eau.
Heureusement pour moi, Geo n’ayant pas mis en pratique ces techniques et ne connaissant pas grand-chose à la pêche au saumon, il reviendra bredouille voire même dégoûté de cette pêche après avoir marché sur une cinquantaine de poissons en décomposition. Il en viendra à la conclusion que ces saumons, après avoir parcourus plusieurs milliers de kilomètres en surmontant d’innombrables obstacles, ont bien mérité un peu de repos (repose en paix saumon !).
Nous repartons ainsi en forêt à la recherche des « Pine mushrooms ». Le succès n’est pas au rendez-vous mais nous ramassons tout de même une cagette de chanterelles en tube pour notre consommation personnelle.
Il n’y a pas à dire, ce champignon nous résiste et nous obsède !
A bout de ressource et en désespoir de cause, nous retournons voir « Jeff » l’acheteur qui finit par nous donner quelques informations complémentaires. Il faut se concentrer sur une jeune forêt humide de résineux avec une couverture de mousse importante et ne pas hésiter à rechercher à différentes altitudes. En guise d’exemple, il nous indique une forêt typique, située non loin de là, où nous aurions des chances d’en trouver.
Cette information ne tombe pas dans l’oreille de deux sourds, 15 minutes plus tard, nous voilà dans la fameuse forêt et ce, malgré la pluie battante.
Nous comprenons mieux l’habitat, nous ne cherchions pas dans le bon type de forêt. Cet endroit semble fréquenté, et pour cause, beaucoup de champignons sont retournés. On branche le GPS (indispensable ici, deux ramasseurs étaient d’ailleurs portés disparus au même moment dans ce secteur) et nous décidons de nous aventurer plus profondément.
Geo m’appelle.
Là, miracle, il a dégoté un petit « pine », il soulève la mousse et trouve ses 4 frères et sœurs, dont un malencontreusement écrasé sous son pied (erreur fréquente de débutant).
Nous récoltons finalement une petite barquette. Victorieux, nous retournons chez Jeff. Il est aussi content que nous, enfin… jusqu’à ce qu’il observe notre cueillette. « Vous avez coupé les pieds ?!!! ». Eh bien oui, comme d’habitude, sauf que là, il ne fallait pas. Il refuse donc de prendre nos champignons.
Oh non, après tous ces efforts ! Nous sommes dépités, que va-t-on faire de tous ces champignons… La bataille n’est pas perdue, nous nous rendons chez l’acheteur à côté qui, super gentil, accepte de nous les acheter.
Avec toutes ces péripéties, cela fait plus de 10 jours que nous vagabondons dans la région de Terrace. Avec un peu de regret, il est maintenant temps de poursuivre notre route.
Tandis que nous faisons le plein d’essence, un voyageur en van nous observe puis finit par nous aborder. C’est un français, nous sommes sur nos gardes, on se méfie des français et de leur arrogance (ahah). Le courant passe finalement très vite. On repousse une énième fois notre départ au lendemain afin de passer la soirée ensemble. Il s’agit de Jérémy, photographe animalier. Il vit à Tofino sur l’Ile de Vancouver. Il est en road trip depuis trois semaines et est monté jusque dans le Yukon. Il travaille dans une association de protection du saumon du Pacifique. On fera un petit repas composé de saumon et de chanterelles. On s’échange nos péripéties de voyage. Il nous raconte notamment qu’il a travaillé des mois sur le loup côtier, une variété de loup habitant les côtes de l’ouest canadien. Il partait des jours sur une île à côté de Tofino pour tenter de les approcher. Il a pris de magnifiques photos. C’était une super rencontre, nous sommes d’ailleurs toujours en contact.
Il part prendre le ferry à Prince Rupert tandis que nous prenons la route pour de bon ! Geo commence à se plaindre d’une douleur au bout de l’index. Entre les maladies imaginaires et son exagération hors normes, je l’inspecte par deux fois. C’est vrai qu’il est gonflé, rouge et chaud. Malheureusement, je ne vois aucune écharde. Affaire à suivre donc…
Nous profitons de passer devant le parc des « seven sisters » (sept sœurs, en réalité, sept pics) pour monter au Watson lake. Il est situé sur un plateau en altitude et à notre grand étonnement, la forêt est très semblable à celle où nous avons trouvé les « pine mushrooms ». Là, c’est la folie ! Nous en trouvons une grappe, puis une autre, puis encore une autre. Il y en a partout ! C’est comme une chasse aux œufs un matin de Pâques. Ils dépassent à peine, puis après « démoussage », ils sont parfois énormes et bien accompagnés (nous en écraserons de nouveau dans notre précipitation). Nous remplissons notre sac à dos et rentrons de nuit, au véhicule, à la lumière de nos frontales. Nous gardons les plus vieux pour nous.
Cette fois, nous les cuisinons à l’asiatique, avec de l’ail, de la sauce soja, des petits légumes sautés, des nouilles, et c’est franchement excellent. Nous comprenons mieux les japonais. Le champignon remonte dans le classement culinaire !
Le lendemain, nous nous arrêtons au prochain village pour les vendre. L’acheteur fait un tri assez drastique entre les différents grades. Finalement, nous ne gagnerons pas plus que la première fois.
Geo a très mal dormi à cause de son doigt, qui, je cite « était au bord de l’explosion ». Il est inquiet. Il n’y a aucune pharmacie dans le coin. Nous contactons notre assurance et Geo est mis en relation directement avec un médecin français qui lui conseille de consulter.
Arrivés à la clinique la plus proche, c’est une nouvelle mission qui nous attend. Je peux vous dire, qu’en tant que français, avoir affaire au système de santé canadien peut être un véritable choc.
La première chose à sortir à l’entrée d’une clinique canadienne, c’est son assurance ou sa carte bancaire, le serment d’Hippocrate passe en second. Etant non canadien, un seul 1 médecin sur les 5 présents, accepte de le prendre en consultation… On ne sait jamais, dans le cas où nous ayons le virus depuis 6 mois.
Deux choix s’offrent à nous, l’admission en « urgence » pour 1100$ (hors consultation/examen complémentaire), ou, le rendez-vous classique pour une simple consultation à 300$. Deuxième choix donc. Après dures négociations, le rendez-vous est fixé dans 3 jours (au lieu des 15) !
Nous avons donc trois jours à tuer au milieu de nulle part. Le médecin français, lui, suit l’évolution du doigt tous les jours à 9h00 (heure Française soit 1h00 du matin chez nous).
Nous visitons la petite ville d’Hazelton qui a conservé de nombreux bâtiments anciens, un pont suspendu au-dessus du canyon de la Stikine Bulkley (merci Pascal pour la correction) et un musée tenu par les premières nations. Nous en profitons également pour retourner à notre précédent spot pour refaire le plein de « pine mushrooms ». Cette fois, ils seront bien vendus à une gentille dame d’Hazelton. L’objectif est quasiment atteint, nous avons presque réussis à trouver tous les champignons à vendre. Il manque toujours à l’appel, le bear’s tooth (dent de l’ours) et le lion’s mane (crinière du lion).
Pour notre dernière journée bloquée sur place, nous partons faire une nouvelle randonnée dans le coin. La chemin menant au départ est affreux, raide avec des ornières, mais Raccoon, tel un 4×4, franchit tous les obstacles. Après plusieurs semaines passées à randonner, nous sommes un peu lassés, mais bon, la forêt dans la brume est magique et il y a de belles chanterelles en tubes. Et surtout, Geoffrey trouve un de nos champignons manquants, le bear’s tooth !!! Il est super content (fier comme un coq).
Le soir venu, il pleut des cordes. Nous retournons camper à notre spot habituel, au bord de la rivière Stikine. Je ne sais pas pour quelle raison, mais l’idée nous prend de changer d’emplacement. Et là, c’est le drame. La prairie est gorgée d’eau, Raccoon ne fait plus le 4×4, nous sommes complètement embourbés. On essaye de coincer des branches, des pierres, des cartons sous les pneus mais n’y fait. Geo est inquiet, moi, pas tellement. Nous ne sommes pas si loin de la ville et nous avons des réserves d’eau et de nourriture. Il faut tout de même se sortir de là car le rendez-vous de Geo est le lendemain matin. Il est 21h00, il n’y a que nous, plantés dans la boue au milieu de cette prairie. Fort heureusement, nous avons pris une assurance supplémentaire depuis notre dernier incident de bougie (cf. Ontario) !!! On les appelle. Une heure et demie plus tard, un super truck arrive à notre secours et nous tire de là (après avoir cassé sa chaine en tractant le gros Raccoon). Fin de l’histoire. Nous n’avons jamais autant utilisé nos assurances ^^.
Jour J du rendez-vous. Geo part à la clinique et revient à peine 30 minutes plus tard. Le médecin n’est pas venu aujourd’hui. Pas venu ? Il n’avait pas envie aujourd’hui ? Grasse mat’ ? Il obtient un nouveau rendez-vous dans trois jours.
Nous sommes complètement dépités. Entre les médecins qui ne prennent pas les français, les délais d’attente, les frais médicaux et finalement les médecins qui ne viennent pas, on se dit « Basta ! ».
Le doigt semble stable (bain de désinfectant quotidien), nous consulterons dans la prochaine ville. L’assurance est mise au courant et le médecin Français continue de nous appeler en pleine nuit, bien évidemment.
Nous prenons la route. Les paysages humides de l’ouest Canadien et leurs forêts enchantées s’éloignent.
Il fût un temps, nous étions ramasseurs de champignons…
Nos photos par ici !
2 réflexions sur « Mushrooms pickers, épisode 2 ! »
Grossière erreur le pont suspendu à côté d’Hazelton n’est pas sur la Stikine mais la Bulkey, affluent de la Skeena.
La stikine c’est un tout autre bassin versant beaucoup plus sauvage et plus au nord. Vous êtes passé dessus entre Dease Lake et le Bell II Lodge .
Continuez vos écrits cela nous met du baume au coeur par les temps qui courrent.
Biz à vous deux.
Olala, bien vu ! Merci, je corrige cela ! Cela nous apprendra à rédiger avec 4 mois de retard…
Biz