Okanagan, la vallée la plus chaude du Canada ???
Le paysage est ouvert, vallonné et occupé par de grands pins et des prairies sèches. La végétation ressemble fortement à la région de Kootenay et nous remémore de bons souvenirs estivaux.
Nous sommes à quelques kilomètres seulement des États-Unis. La frontière est en face de nous, sur l’autre versant de la montagne. Ici s’arrête notre pérégrination vers le sud du Canada, à la recherche de soleil. Nous braquons les roues de Raccoon à 90 degrés et mettons le cap plein Ouest, en direction de l’île de Vancouver.
Au détour d’un site récréationnel, nous rencontrons un couple de voyageurs qui finit de nous convaincre sur le choix de notre prochaine destination, le Costa-Rica. Leur retour d’expérience semble incroyable. Nous sommes remontés à bloc !
Les températures quant à elles, continuent de chuter, une tempête arctique est d’ailleurs attendue dans les prochains jours. Nous partons nous réfugier dans l’unique désert du Canada, à Osoyoos (reconnue pour être la ville la plus chaude du pays).
Les paysages deviennent très arides. Qui aurait cru qu’un jour, nous aimerions autant la chaleur ? On roule désormais les fenêtres ouvertes, quel bonheur ! Nous sommes également dans le haut-lieu de l’escalade du Canada, d’immenses falaises bordent la vallée, le paradis de tout grimpeur. On décide de repousser cette activité au lendemain et de partir en randonnée, à Stinky Lake Trail.
Dix kilomètres dans un paysage inattendu, un petit semblant de Sud-Ouest de la France. Les températures sont douces, le ciel est ensoleillé et les couleurs sont magnifiques à cette heure tardive de la journée. On finira d’ailleurs notre randonnée à la frontale.
Ce soir, malgré les interdictions de bivouac, nous décidons de rester sur place, les prévisions météorologiques étant défavorables. On fait chauffer le véhicule puis on se calfeutre à l’intérieur pour la nuit.
Au petit matin, la tempête attendue est bien arrivée, les températures ont fait une chute vertigineuse, 15 centimètres de poudreuse sont tombés, une première ici depuis plus 30 ans. Décidément, impossible d’échapper à cette neige, on se résigne à faire avec, le regard tourné vers le Costa-Rica. Notre plan « escalade » tombe à l’eau, on en profite pour se rendre à la piscine, histoire de prendre un bon bain chaud. A défaut de slip de bain, Geo enfile mon short de randonnée Quechua. Avec ses cheveux, sa barbe et ses ongles longs, c’est un vrai Robinson au centre aquatique. N’étant moi-même, pas très fraiche, j’évite au maximum de sortir de l’eau. J’ai un peu honte surtout que mon short semble un peu, voire, beaucoup trop court pour Geoffrey… Je vous passe les détails.
Le rituel du petit matin est bien rôdé. A peine sortis du lit, nous démarrons Raccoon et roulons une petite heure afin de réchauffer l’air ambiant. Les 25°C atteints, nous nous installons à l’arrière pour prendre le petit-déjeuner. Les odeurs de café, pain grillé et confiture se mélangent et embaument le véhicule. On savoure cet instant, un de nos moments préférés de la journée.
Cette atmosphère de pièce surchauffée alors que les températures extérieures frisent le négatif nous rappellent les appartements en station de ski.
Nous sommes désormais à Keremeos, une vallée voisine enclavée. Dehors, la neige est tombée en abondance et il souffle un froid glacial. On nous déconseille fortement de prendre la route en direction de Vancouver. Les deux cols qui nous attendent sont, pour l’heure, infranchissables en raison de la neige. Il faudra attendre le passage d’un « grinder », une sorte de déneigeuse capable de gratter la glace.
Nous sommes donc bloqués pour trois jours dans cette vallée sans aucun itinéraire alternatif. Après un bref passage au centre d’information du coin, nous récupérons le guide des randonnées locales avant de partir arpenter un canyon menant à un jolie cascade de glace. Sur le retour, Geoffrey s’amuse à secouer les arbres pour créer des avalanches de neige. Résultat, nous sommes trempés et gelés mais au moins, on se sera bien amusés.
Nous prenons la direction du pub pour passer la soirée (et se sécher). Il est seulement 18h00, mais les Canadiens mangent tôt. La peau du ventre bien tendue, nous reprenons notre véhicule et partons nous garer pour la nuit à quelques blocs de maisons de là. Ce soir, nous sortons les duvets, la couette ne sera pas suffisante face aux -15°C annoncés.
Au petit matin, après avoir roulé plus de 2 heures pour bien réchauffer le véhicule, Geoffrey prends le petit-déj en caleçon tandis qu’il fait -5°C dehors. Un de ses meilleurs petit-déj’.
Prises au dépourvu par cette subite tempête de neige, les déneigeuses ne savent plus où donner de la tête, les cols tardent à être dégagés. Nous nous rendons au pied de la montagne à Princeton puis remontons le long de la rivière Tulameen, en direction de Coalmont. Il s’agit d’un petit village isolé qui a gardé tout son charme d’antan. Nous marcherons sur une ancienne voie de chemin de fer jusqu’au village de Tulameen, 15 kilomètres de randonnée le long de la rivière, nous rentrons exténués. L’appel de la rivière est tout de même plus fort pour Geoffrey qui tente de sortir sa canne à pêche malgré le froid. Il reviendra 30 minutes plus tard, bredouille, des engelures aux doigts, son moulinet et son fil pris dans la glace…
Par temps froid, c’est « crêpes party » dans Raccoon ! Elles ont l’avantage de prendre du temps à cuire ou plutôt, de laisser le réchaud allumer une bonne heure. L’air ambiant se réchauffe doucement dans le véhicule, le tout, accompagné d’une bonne odeur de crêpes.
La lecture du soir, « Dans les forêts de Sibérie », de Sylvain Tesson, nous plonge dans l’immensité des paysages du Nord, du froid glacial du lac Baïkal et de la vie d’ermite dans une cabane en bois. Cela nous donnerait presque envie de vivre la même aventure…
Jour J ! Malgré de nouvelles précipitations neigeuses dans la nuit, les cols sont dégagés et Raccoon les franchit sans broncher. Il n’y a pas de doute c’est un vrai camion de l’extrême que nous avons. Il passe partout, ou presque, et semble adorer la neige et le froid. Seules la pluie et l’humidité semblent créer un couinement inquiétant au niveau de la courroie du moteur. Évidemment, lorsque l’on démarre le véhicule devant le mécanicien du coin, il n’y a plus aucun bruit, un peu comme un enfant qui feint d’être malade et se retrouve miraculeusement guéri devant le médecin…
On décide de s’arrêter en chemin profiter des paysages du parc provincial de Manning. Enclavé dans une vallée étroite, le soleil est à peine visible. Pour autant, la brume qui émane de la rivière, les bryophytes omniprésentes et la neige suffisent à nous régaler les yeux. On s’engage dans un trail de 10 kilomètres qui longe la rivière. Au détour d’un virage, on découvre les restes d’une ancienne mine, avec sa galerie, sa cabane en bois et même un vieux véhicule Ford intact laissé là, à l’abandon.
On se plonge dans le travail d’historien en essayant, tant bien que mal, de reconstituer l‘histoire du lieu. Nous n’obtiendrons pas les réponses à nos questions.
De l’autre côté des cols se trouve la vallée d’Hope, qui mène tout droit à Vancouver. Les saumons sont toujours là, accompagnés des Bald Eagles ! Nous aurons d’ailleurs la chance d’observer, à quelques mètres de nous seulement, un jeune individu en détresse sur le bas-côté de la route.
Nous arrivons à Harisson Hot Spring. La ville est très touristique avec son lac et ses sources thermales. On se croirait presque à Evian ou Thonon-les-Bains. J’ai repéré une petite source d’eau chaude gratuite à côté du grand complexe. Nous partons en prospection. On ne tarde pas à trouver le bassin en question. Il est conforme aux descriptions : une sortie d’eau très chaude (60°C) alimente un bassin naturel. Malgré la pluie, on se déshabille puis on file dans l’eau. Le contraste eau brulante en surface et eau gelée au fond du bassin n’est pas forcément agréable au premier abord. On améliore notre petite baignoire naturelle, on grattouille, on déplace quelques blocs et on brasse l’eau. On restera comme ça à patauger jusqu’à la tombée de la nuit.
Une fois bien ramollis (on est très loin de la cuisson « Al Dente »), nous reprenons la route en direction de Vancouver. L’urbanisation a pris le dessus sur les paysages. Les villes sont désormais côte à côte et ne laissent plus place à la verdure, les chaines de magasins se succèdent, le nombre de voitures sur la route se multiplie de façon exponentielle et les panneaux publicitaires ont remplacé les forêts de conifères. Geoffrey semble bien plus stressé à s’insérer dans ce flot de voitures que sur un col de montagne enneigé.
La signification « d’une chaine de magasins » prend ici tout son sens. Le même commerce se répète à l’identique tous les cinq kilomètres. Ce même burger, ce même café, ce même garagiste sont présents à intervalles réguliers. Le consommateur est-il devenu fainéant à ce point ? Geoffrey s’interroge sur cette frénésie d’occupation de l’espace… Nous passons la nuit à l’écart d’une ville.
Demain, nous embarquerons sur le ferry à Horseshoe Bay en direction de l’île de Vancouver, notre nouveau terrain de jeux pour les semaines à venir.
Nos photos par ici.