Nos passe-temps à Annie Lake
Entre deux sorties en chiens de traineau et nos tâches quotidiennes, nous avons eu beaucoup de temps libre. Voici, un petit résumé de nos occupations pendant ces deux mois et demi passés à Annie Lake.
Exploration de nos environs :
Après un temps d’adaptation aux températures du Yukon, nous étions prêts à reprendre nos activités habituelles (ou presque).
Depuis la fenêtre de notre cabane, une grotte située sur la montagne d’en face, nous faisait de l’œil.
En bons explorateurs que nous sommes, ce n’est ni la pente abrupte, ni le mètre de neige, qui allaient refroidir nos ardeurs. Nous nous lançons donc à l’assaut de la grotte par la voie la plus directe, c’est-à-dire, tout droit.
Nous traversons le lac gelé, la forêt, et attaquons la pente ! La progression dans la poudreuse est bien plus difficile et lente que nos estimations (surtout celles de Geoffrey). Nous nous accrochons à chaque arbuste pour avancer. Après deux heures de marche et seulement deux kilomètres parcourus, nous franchissons enfin la limite de la végétation. La vue sur Annie Lake est superbe.
Le vent balaie désormais le flanc de la montagne, la neige est croutée, une désagréable sensation de marcher sur une crème brulée ! Il est 16h00, le soleil se couche, notre objectif semble encore bien loin. Frustrés et déçus, nous nous résignons à rebrousser chemin.
Quelques semaines plus tard, Geo tentera une nouvelle fois d’atteindre cette fameuse grotte. Pour ma part, ayant pris la sage décision de ne pas renouveler l’expérience, je le suis aux jumelles depuis la cabine. Finalement, il fera demi-tour à 200 mètres de l’objectif, en raison du terrain trop pentu, glacé et du risque de chutes de pierres…(il lui fallait au moins trois excuses).
Heureusement, nous nous rattraperons sur des objectifs bien moins difficiles autour de la cabane.
Observation de la faune :
Lors de nos explorations, nous avons rarement eu la chance de voir des animaux (la progression lente et bruyante de Geo avec ses raquettes à neige doit certainement y être pour quelque chose), à l’exception d’un petit lièvre arctique, qui a cru pouvoir nous berner avec sa technique de camouflage.
En revanche, en voiture, c’est beaucoup plus facile de les surprendre (et moins fatiguant). Les vingt kilomètres de route le long d’Annie Lake nous ont parfois réservé de bonnes surprises, dont un orignal et une harde de caribous !
Et puis, il y a eu ce coyote, en plein de cœur de la ville, et la rencontre avec notre premier lynx lors d’une session de pêche sur glace. Une scène incroyable ! Cet énorme chat (de la taille d’un chien), avec sa queue ridicule, ses énormes pattes (comparables à celles d’un ours ou presque) et sa tête, tout droit sortie d’un livre de contes pour enfants, se promenait tranquillement entre les arbres, à quelques dizaines de mètres de nous seulement.
J’allais oublier. Sur place, nous avions également nos deux animaux domestiques (autres que les 55 chiens) : un écureuil qui a pris notre toiture pour logement (sympathique, sauf la nuit lorsqu’il décide de se faire une pomme de pin), et une hermine toute mignonne, qui vit grassement entre les sacs de bœufs et de saumons surgelés pour chiens.
Chasse aux aurores boréales :
Notre première aurore boréale a pointé le bout de son nez dès notre deuxième nuit. Pensant que ce spectacle se produirait tous les soirs, Geoffrey est resté bien au chaud sous la couette tandis que je suis sortie photographier ma première « Northern light ». Quelle erreur !
Depuis cette nuit, nous avons surveillé le ciel tous les soirs, sans apercevoir la moindre lumière verte, au grand désespoir de Geo.
Suivant de près les alertes, l’horoscope, les prévisions en tout genre, le KP réaliste, la densité du vent solaire… je me relève parfois à 2h00 du matin vérifier l’activité dans le ciel. J’ai l’impression de guetter le passage du père Noël ! Pour le moment, je me contenterai donc des halos lunaires.
Il faudra attendre plus d’un mois pour que ce phénomène se produise de nouveau. Geo a retenu la leçon, il se lève !
Nous nous habillons chaudement, embarquons le trépied et filons au milieu du lac. Cette fois, la batterie au lithium de l’appareil photo ne résistera pas au froid. Tant pis, on se contentera d’immortaliser la scène dans nos têtes.
Notre plus impressionnante aurore boréale se produira quelques jours avant notre départ (tel un cadeau d’adieu) lors d’un barbecue sur le lac avec des amis. Le ciel se teintera de vert, de jaune et de rose. Des rideaux lumineux intenses et extrêmement rapides défileront successivement dans la ciel. Un spectacle magique !
La pêche sur glace :
Notre occupation favorite ! Enfin, disons, celle qui nous a le plus occupée ! Bien sûr, avec ces températures négatives, difficile de voir de l’eau sous son état liquide. Alors, comment occuper le temps libre d’un pêcheur passionné (je parle de Geo évidemment !) ?
Il a vite trouvé une parade, la pêche sur glace ! Après quelques recherches, nous voilà équipés d’une tarière à glace, de pièges à drapeau, de mini cannes et de deux permis de pêche Yukonnais (naïve que je suis…).
Pour notre première tentative, nous allons au plus simple, Annie Lake ! Je commence par creuser un trou, 20 centimètres plus tard, toujours pas d’eau… Epuisée, Geo prend le relai. Il creuse, creuse et creuse… l’eau finit par jaillir ! Il y a au moins 40 cm de glace, nous qui avions peur de marcher dessus…
Nous mettons notre petit leurre fluorescent à l’eau et attendons patiemment… Je me demande d’ailleurs bien comment la personne la plus impatiente au monde (Geo) puisse être pêcheur ! Rien ne se passe, pas une touche, mais le cadre est absolument somptueux ! Après quelques heures, le froid nous rattrape, nous rentrons nous mettre au chaud, bredouille. Cette pêche n’a pas l’air si facile !
Nous retentons l’expérience à Hidden Lakes, à proximité de Whitehorse. Cette fois, nous avons embarqué notre tente ainsi qu’un petit chauffage au propane (rester immobile dehors à -30°C n’est pas vraiment une partie de plaisir). Nous installons notre campement au hasard au milieu du lac. Après plusieurs heures, toujours rien, on finit par rentrer, forcément déçus.
Geoffrey n’a pas dit son dernier mot pour autant. Il part en quête de conseils et finit par enfermer quelques crevettes dans un bocal qu’il oublie au-dessus d’une poutre (encore une drôle d’idée).
Nous retournons à Hidden Lakes, dans un second lac. Je suis plutôt sceptique, celui-ci est minuscule. Cette fois, nous creusons un premier trou à quelques mètres du bord et déposons notre premier piège équipé d’un morceau de crevette puant (à faire sortir un ours de son hivernation).
On s’attaque au forage d’un second trou lorsque Geo aperçoit le petit drapeau rouge du piège se relever ! Il court (à décrocher une médaille d’or aux J.O. de sprint), remonte le fil… mais rien. Ni poisson, ni crevette !
On remet le piège en place. Je ne le quitte pas des yeux. Il aura fallu à peine 10 secondes pour que le drapeau se lève. Je tire le piège vers le haut et remonte le fil aussi vite que je peux (Geo me regarde et me crie de faire attention à ne pas coincer le poisson sous la glace). La truite finit par sortir du trou, victoire !
Nous aurons à peine le temps de prendre une photo qu’il finira en poisson surgelé… Nous sommes super contents et rentrerons à la cabine avec notre pêche du jour, une truite et un omble.
Nous essaierons la pêche sur glace sur d’autres lacs, sans grand succès. Je finirai d’ailleurs par abandonner cette activité contre « la lecture sur lac » (activité tout aussi intense) tandis que Geoffrey, lui, y laissera tous ses morceaux de crevettes.
Découverte de la région :
Après les randonnées autour d’Annie Lake et nos déboires avec la pêche sur glace, il est temps d’aller explorer les alentours de Whitehorse dont Chadden Lake et Miles Canyon, situés le long du fleuve Yukon.
Malgré quelques bâtiments « anciens » lui donnant un petit look de Far-West, la ville de Whitehorse n’a rien d’exceptionnelle. Pour nous, son principal intérêt se résume au supermarché.
Plus au sud, nous partons à la découverte de Carcross (abréviation de Caribou Crossing). En temps normal (c’est-à-dire hors hiver et hors Covid), c’est une petite ville très touristique en raison de son train à vapeur qui permet de rejoindre Skagway, en Alaska. Le tracé suit un chemin historique emprunté par les premiers chercheurs d’or : le « Chilkoot trail ». Il franchit la White Pass, ce fameux col souvent aperçu dans les films, où les pionniers grimpent en file indienne sur une forte pente enneigée (ex. Croc-Blanc).
Mais aujourd’hui… pas âme qui vive. Les petites maisons en bois sont pour la plupart fermées, mais le cadre avec le lac gelé et les montagnes enneigées est tout même magnifique.
Noël au Yukon
Qui dit Noël, dit sapin ! Depuis notre arrivée, Geoffrey n’a qu’une idée en tête, celle d’aller couper son propre sapin ! Nous sommes fin novembre, nous partons équipés d’une hache et d’une scie en quête de la perle rare.
Je le trouvais difficile et long à choisir son sapin sur le parking du Carrefour (Pierre doit d’ailleurs s’en rappeler) mais ce n’était rien comparé au Yukon. Chaque arbre est passé au crible, hauteur, diamètre du tronc, garnissage des branches, tout y passe… Et puis, ce n’est pas comme si nous étions dans une forêt de sapins, le choix est infini.
On finit par jeter notre dévolu sur un spécimen (après avoir raisonné Geo de ne pas couper un sapin de 4 mètres). Vingt minutes plus tard, l’affaire est dans le sac, ou presque. On a eu la bonne idée d’aller couper un arbre à 3 kilomètres de chez nous alors qu’il y en avait des dizaines à quelques mètres seulement de la cabane. On le portera sur l’épaule à tour de rôle… Après quelques ajustements (forcément, il était trop grand), le voilà installé et décoré !
En l’honneur de nos amis Alsaciens, nous confectionnons également une couronne de Noël (un peu particulière cette année car nous manquions de décoration).
Jour J, après avoir fêté les 30 ans de Geoffrey la veille (pas la grande fiesta espérée mais on se rattrapera à notre retour), nous voilà sur notre 31 ! Tajine de poulet, tiramisu, bières locales, vin premier prix, et sans oublier, la playlist de 3h45 de chants de Noël ! Le cocktail gagnant d’une soirée réussie !
Il n’y avait pas de cadeau sous le sapin cette année, enfin, ça c’était sans compter sur la gentillesse de nos amis Alsaciens. Un colis à notre nom est miraculeusement arrivé en ville, 23 jours après Noël, avec une cargaison de fromages de Thônes et plein d’autres surprises ! Merci JD et Marion, le reblochon de 3 semaines était coulant à souhait !
Un 31 pas comme les autres
Réveillon du jour de l’an, tout est prêt pour le grand soir, il ne manque que quelques bouteilles pour célébrer ça.
On décide donc de se rendre en ville pour acheter des bières, du vin ainsi que les ingrédients pour terminer notre repas.
Manque de chance, les -33°C de la veille ont eu raison de la batterie de Raccoon qui a gelée et s’est vidée. Impossible de la recharger et aucun moyen de se rendre en ville.
Je suis déprimée… Un 31 sans alcool et la fête est plus folle ! Bof, je dois avouer que c’est mon pire réveillon ! Geoffrey prend tout de même les devants et improvise un cocktail jus d’orange/jus d’orange ! Un régal !
Face à cet échec, on décide unanimement de décaler notre réveillon d’une semaine, soit le 7 janvier au soir. Finalement, ce n’est qu’une date parmi tant d’autres.
Entre temps, on a entrepris la construction d’un igloo ou plus précisément d’un quinzee ! Cela fait deux semaines que l’on a entassé un tas de neige sur le lac gelé, depuis, elle s’est transformée et il est maintenant temps de le creuser.
On a vue grand, très grand. Le tas de neige fait plus de 2 mètres de haut et 5 mètres de diamètre. On s’active toute une après-midi à creuser l’entrée puis l’intérieur et enfin, une protection devant la porte. On finira par lisser l’intérieur des murs à la frontale.
Le lendemain, on part contempler notre travail. On est super contents ! Il est immense, je tiens presque debout. On pourrait aisément faire la fête à 8 dedans (défi qu’on relèvera quelques semaines plus tard).
Jour J. Nous sommes le 7 janvier, nous avons eu l’occasion d’aller en ville acheter des provisions ! On part donc fêter notre réveillon dans le Quinzee. Equipés de nos duvets, on a bien l’intention de dormir dedans malgré les -14°C et les bourrasques qui soufflent sur le lac.
A l’intérieur, il fait tout juste 0°C, on installe les tapis, le réchaud, la sono et on monte le volume. En plus d’être isolé, il est insonorisé, aucun risque de réveiller les chiens du chenil.
La nuit sera parfaite, seuls les craquements du lac gelé nous réveilleront de temps en temps…
Occupations à la cabane
Avec moins de 6 heures d’ensoleillement par jour en hiver, les soirées au Yukon s’annonçaient longues. On a donc dû redoubler d’ingéniosité pour occuper nos journées entre 16h du soir et 10h du matin.
Tandis que Geoffrey s’est mis à la couture (il faut dire que ses chaussettes en avaient grand besoin), à la lecture (à mon plus grand étonnement) et au montage de mouches (là, je suis moins surprise), je me suis lancée dans le plantage de clous. Activité zen, relaxante et silencieuse que je recommande à tous. Finalement, après 500 coups de marteau, Geoffrey en a eu marre et m’a offert un coffret de 6 puzzles 1 000 pièces… le calme est finalement revenu dans la cabane.
On a également profité de ce temps libre pour rattraper le retard accumulé dans la rédaction des articles du site (ok soyez indulgents, on y est presque) et réfléchir à la suite à donner à notre voyage.
Les déboires de Raccoon
Pour un premier hiver au Yukon, je dois avouer que Raccoon a eu du mal à s’acclimater.
Entre la crevaison, les pneus à plats à cause des valves qui n’ont pas supportées le froid (tous les caoutchoucs se rétractent), la batterie qui a gelée, le chauffage qui ne fonctionne plus en dessous de -25°C, il y a eu quelques déboires. Il y a tout de même une anecdote qui sort du lot.
Quelques semaines après Noël, impossible de démarrer le véhicule, malgré une batterie chargée. Pas d’inquiétude pour autant, les deux mécanos prennent les devants et commencent à rechercher l’origine de la panne. Quelques instants plus tard (2 jours en réalité) et recherches (que je qualifierais plutôt de « trifouillage »), la panne est identifiée, un micro-relai dans la boite à fusibles est défectueux. Geoffrey secoue la boite et, comme par magie, Raccoon démarre au quart de tour. Efficace pas vrai ?
On finit par arriver en ville, Geo tourne la clé du véhicule mais rien ne se passe, il me dit que le véhicule ne s’arrête plus. La blague est marrante jusqu’à ce qu’il retire totalement la clé du contact et me l’agite sous les yeux… Donc maintenant, il démarre mais ne s’arrête plus. Geoffrey repart trifouiller (bricoler pardon) dans la boite à fusibles et Raccoon finit par s’arrêter. On s’amusera beaucoup de la situation et du regard des gens sur le parking du supermarché nous scrutant ouvrir le capot et tapoter la boite à fusibles pour couper le moteur.
Après deux semaines de plaisanteries, on finira par amener le véhicule au garagiste et faire changer le fusible incriminé. Bilan de l’opération, 120 $ mais une excellente partie de conduite sur glace avec notre super golf de remplacement.
Raccoon est désormais fin prêt pour reprendre du service et repartir à l’aventure ! Oui, le départ est imminent. Pour fêter ça, on organise un dernier barbecue sur le lac avec nos amis d’Annie Lake. Une aurore boréale s’invitera à notre soirée.
Nos photos par ici (il y en a beaucoup !).