Atlin, un « mushing » pas comme les autres !
A peine revenus de notre dernière sortie en chiens de traineau que nous nous empressons de charger tant bien que mal nos affaires dans Raccoon. Cela fait 2.5 mois que nous sommes à Annie Lake, soit suffisamment longtemps pour avoir accumulé plusieurs objets en tout genre qui ont du mal à trouver une place dans le véhicule. Une tarière à glace, deux nouvelles cannes à pêche, 4 paires de bottes d’hiver, des puzzles 1 000 pièces et une valise de vêtements d’hiver du Free Store.
Cela fait maintenant 10 jours que nous préparons la suite de notre voyage. Pour autant, ce soir, le départ parait si brusque, si soudain. En à peine une heure, la cabine en bois est vidée, les décorations de Noël retirées, les affaires chargées, le sol nettoyé…
Il est 18h30, on jette un dernier regard sur le chenil et on tourne la clé du véhicule. Il n’y a pas eu d’aurevoir officiel, aucune cérémonie d’adieu, aucune dernière papouille envers les chiens (même nos préférés). C’est avec un pincement au cœur que nous les laissons derrière nous. Si nous avions pu, nous en aurions bien ramené une dizaine. Les chiens, quant à eux, ne se doutent de rien et nous regardent filer, pensant que nous partons pêcher sur un lac. Il n’en est rien. Ce soir, nous prenons la direction d’Atlin. La joie et l’excitation se mélangent à la tristesse du départ.
Atlin est un petit village isolé de 300 habitants situé au nord de la Colombie-Britannique et accessible uniquement via le Yukon. Notre destination se trouve à trois heures de route d’Annie Lake.
Dans quelle aventure nous sommes-nous encore engagés ?
Il a suffi d’une rencontre (Marion et Flo), qui en a amené une seconde (Max) puis un échange de messages et nous voilà en route chez Nathalie, une musheuse solitaire. Eh oui, on n’a pas encore dit notre dernier mot avec les chiens de traineau !
On ne sait pas vraiment à quoi s’attendre, les échanges étaient brefs et concis. A vrai dire, nous n’avons aucune attente. Notre plan de voyage était de monter dans le nord du Yukon à Dawson, mais les conditions météo défavorables (- 50°C) nous obligent à repousser notre départ. On s’est donc proposés d’aller aider Nathalie dans ses tâches quotidiennes pendant quelques jours.
Il fait désormais nuit noire, la petite route qui mène à Atlin est enneigée, le thermomètre extérieur affiche -30°C et la fatigue de la journée se fait ressentir. Un orignal nous regarde passer, sûrement son unique distraction du soir.
Chose rassurante, Nathalie nous a fourni des instructions pour la route. Nous arrivons à Atlin et nous nous engageons sur un petit chemin jusqu’à atteindre le panneau de “Atlin Backcountry Adventures”.
Nos yeux s’écarquillent. Nous sommes au milieu d’une forêt enneigée et pourtant, il y a des guirlandes lumineuses accrochées un peu partout, des petites cabanes en bois éclairées, de la musique des années 80 à fond… On se croirait au hameau du Père Noël ! Geoffrey est surexcité !
Il fait -33°C ! La scène est magique. Nathalie nous accueille avec un « hug » et la sympathie d’une Québécoise (sans oublier l’accent évidemment) ! Coïncidence ou non, elle est originaire de Sainte-Margueritte-du-Lac-Masson, là où nous avions travaillé l’hiver dernier en tant qu’acériculteurs…
On part à la découverte du chenil puis elle nous fait découvrir notre nouvelle cabine !
Waouh ! Nous sommes littéralement ébahis ! Une tranchée creusée dans la neige mène à une petite cabane en bois de 15 m² éclairée par des guirlandes de Noël (il y en a un qui est ravi). A l’intérieur, un poêle à bois déjà chaud, des couettes sur le lit, une décoration parfaite, des réserves d’eau et de bois, des provisions et même des petits pains ! Le grand luxe !
On remercie Nathalie pour cet accueil puis nous partons récupérer nos affaires et nous installer. On a retenu la leçon depuis la dernière fois, nous déchargeons nos provisions du véhicule. Une vague de froid avec des températures en dessous de -40°C est attendue dans les prochains jours.
On se couche avec des étoiles pleins les yeux.
Au petit matin, c’est un deuxième « Waouh » ! On se croyait gâtés par la neige à Annie Lake, ce n’est rien comparé à Atlin, il doit bien y avoir un mètre de poudreuse. Dehors, tout est blanc, la neige est encore sur les arbres. Il fait -43 degrés. La bouteille de propane a gelé ainsi que la pile de la clé du véhicule, restée dans Raccoon.
Après les poils de nez et la barbe, c’est au tour des cils et des cheveux de geler. Geoffrey réussit même à faire « pousser » une stalactite de sa narine droite !
On part faire la connaissance de notre hôte. Nathalie vit dans une magnifique cabane en fuste entourée de montagnes. Le cadre est somptueux.
Pour elle, tout a commencé avec des chevaux avant qu’elle ne s’intéresse aux chiens de traineau. D’abord « handleuse » pour différents musheurs, elle s’est récemment installée à Atlin pour monter son propre chenil à vocation touristique. Depuis, elle ne sait plus où donner de la tête. Entre les tâches quotidiennes de la vie en Off Grid (c’est-à-dire dans le bois, sans eau et électricité), les aléas climatiques, la promotion de son activité, les sorties avec les chiens et l’éducation de 9 chiots… elle est débordée.
On tente de lui apporter un peu de répit dans son quotidien. C’est là, où les deux déneigeurs de l’extrême entrent en action ! Tout y passe ! Des tranchées sont creusées pour accéder à la cabine, aux toilettes et au sauna. Les piles de bois ensevelies sous le mètre de neige réapparaissent comme par magie (dont une bonne partie sera d’ailleurs fendue à la main). Le toit de la serre est dégagé ainsi que la remorque. Pendant ce temps, je répare les guirlandes électriques et apporte des modifications aux « Kick Sleds » qui freinent bien trop fort.
Epuisés par cette première journée, on aura à peine le temps de diner avec Nathalie que le sommeil nous rattrapera.
Au petit matin, on remet ça avant d’attaquer la séance manucure pour les chiens. Les griffes sont coupées et les poils sous les coussinets tondus ! Ils sont fin prêts à courir ! On les emmène se promener. Quel plaisir de les voir gambader en totale liberté !
On attèle ensuite deux chiens à chaque « Kick Sled » et nous voilà lancés dans cette nouvelle activité, une première pour nous. Il s’agit d’une sorte de mini-traineau, tiré par un nombre réduit de chiens. Sur le papier, le « musheur » participe à faire avancer le traineau au même titre que les chiens en donnant des coups de « kick » (un peu comme sur une trottinette). Dans les faits, les chiens sont tellement excités de courir qu’il n’y a pas besoin. On sortira tous les chiens deux par deux pendant l’après-midi.
Petit détail important sur Nathalie, elle déborde d’énergie et d’idées. Elle nous propose donc d’essayer sa dernière découverte… un prototype de patins à enfiler sous les chaussures, le tout, tiré par un ou deux chiens. C’est un peu comme du ski nautique, mais sans eau, sans bateau et sans ski.
Sur les patins, il n’y a ni carre, ni frein. Les débuts sont chaotiques. Geoffrey tente de s’arrêter en se jetant tête en avant dans la poudreuse sur le côté du chemin. Je n’aurai pas cette chance, j’essaie de freiner comme avec des skis, les patins se bloquent dans la neige et je fais un bond en avant… Geoffrey court à ma rescousse. Les chiens, eux, continuent leur promenade tout seul avant de revenir à l’enclos.
Entre deux sorties avec les chiens, nous nous occupons des chiots. Ils sont encore trop jeunes pour être dehors à -40°C. Nathalie a donc choisi de les garder dans le salon. C’est un vrai carnage ! Un terrain miné ! Ces petites boules de poils débordent d’énergie, mâchouillent tout, couinent dans tous les sens… Geoffrey les surnomme : « les monstres » !
Au troisième jour, Nathalie nous propose de faire une sortie en chiens de traineau. Après une petite explication et un debrief sécurité, nous voilà partis tous les trois avec chacun un traineau sur ce nouveau terrain de jeu. Le trail est magnifique. Il y a des intersections tous les 500 mètres, des boucles, des montées et descentes, des virages en épingles, etc.
A travers cette sortie, Nathalie nous fait découvrir une tout autre vision du mushing, complètement à l’opposé de ce que nous avons connu jusqu’à présent. Le bien-être de ses chiens passe avant tout (ils ont d’ailleurs droit à une séance de massage à la fin de chaque sortie). Il y a réel lien d’amour, une véritable marque d’affection. Chaque jour, les chiens sont libérés dans leur parc et jouent tous ensemble. Ils partent se promener librement en forêt. Il n’y a aucune bagarre. Ils obéissent parfaitement aux commandes et au rappel. La mise en place des harnais et l’attelage du traineau ne sont plus une corvée. Geoffrey n’a d’ailleurs plus à lutter pour leur enfiler, ils lèvent la patte d’eux-mêmes. Le tempérament de Nathalie y est certainement pour quelque chose. Elle n’est jamais stressée ou inquiète et n’hausse jamais la voix. Si le traineau se renverse et que les chiens partent et bien… ils rentreront d’eux-mêmes. C’est à la « cool » ici ! Ambiance détendue donc et musique à fond ! Merci Nathalie de nous avoir fait découvrir ta vision du mushing dans laquelle on se retrouve bien mieux que lors de notre précédente expérience.
On réalise la chance qu’ont ces chiens et on repense à ceux que nous avons laissés dernière nous à Annie Lake… Un sentiment de tristesse nous envahi. Ils seraient bien plus heureux ici !
Nous partons à la découverte d’Atlin, son lac et ses montagnes, ses trois commerces, ses bâtiments uniques et son bateau. On est tombés sous le charme de ce petit village.
Il est 20h00 lorsque Nathalie déboule dans notre cabane, l’air inquiet. Une meute de loups rôde dans les alentours. Elle allume les projecteurs autour du chenil, monte le volume de la sono extérieure au maximum et détache l’un des chiens les plus téméraires. Ses deux fusils à ses côtés, elle est bien décidée à monter la garde, et ce, toute la nuit s’il le faut… On s’équipe et on file dehors. Effectivement, on peut entendre les hurlements des loups et leurs échos raisonner entre les montagnes. Les chiens répondent à leur tour, aboient et grognent. Nous resterons là près d’une heure avant que la meute ne parte plus loin à la recherche d’un encas à se mettre sous la dent.
La semaine est passée extrêmement vite, nous voilà déjà au dernier jour. Nathalie est partie à Whitehorse pour la journée. On s’occupe des chiens le matin, on charge nos affaires dans Raccoon et on range la cabane. En son absence, elle nous a proposé de faire une sortie en chiens de traineau rien que tous les deux. Pour nous, c’est une véritable marque de confiance ! Nous connaissons Nathalie depuis quelques jours seulement et nous n’avons fait qu’une seule sortie avec elle…
Geoffrey est un peu stressé, il ne connait pas le trail et nous sommes bien loin du chemin unique d’Annie Lake. Il y a des boucles et des intersections dans tous les sens… Il n’a aucune idée du chemin que nous avons emprunté la veille.
Nous préparons deux traineaux, nous attelons les chiens et nous voilà lancés sur le trail. On se prendrait presque pour des vrais « musheurs », on doit surement être passés du niveau « débutant » à « débutant + ».
Geoffrey tourne à droite, puis à gauche, s’engage sur un nouveau trail. Je le suis de près. Je dois avouer que je ne suis d’aucune aide pour l’orientation, je ne sais pas du tout où nous sommes mais je fais entièrement confiance aux chiens.
Finalement, après 40 minutes à slalomer dans les bois, nous voilà de retour au chenil. Il n’y a pas eu un seul accroc, tout s’est super bien passé !
On ne pouvait pas espérer mieux pour terminer notre saison de mushing ! Cette dernière sortie restera sans aucun doute, gravée dans nos mémoires !
On caresse une dernière fois toute l’équipe (P.J., Blue, Nakina, Storm, Sloko, Gipsy, Blizzard, Punk, Kluane, Tonja, Jedda, Denali, Zikomo, Nomad), un vrai adieu cette fois, et nous prenons la route en direction de Dawson !
PS : Un grand merci à toi Nathalie pour cette semaine de découvertes, ton hospitalité, ta gentillesse et ta vision du Mushing. On repassera te voir au printemps !
PPS : Si jamais un jour l’envie vous prend de venir affronter l’hiver Canadien, passer une nuit dans une cabane authentique tout confort et découvrir l’activité de Mushing, n’hésitez pas, c’est par là et là.
2 réflexions sur « Atlin, un « mushing » pas comme les autres ! »
Super récit ! Oui Nath doit-être une fille super. Je le connais que par fb et en ami. On est sur la même longueur d’onde quand on discute des fois ensemble. Jusqur moi je me trouve en Norvège Arctique Finnmark. À l’autre côté du globe. Bref ! Beau voyage que vous avez fait ! Je connais aussi la haut, mais il y a longtemps ! Cordialement David Godin de Nanouak Dogsledding Norway 🇳🇴.
Merci David ! Wouaah en Norvège Artique, it sounds good ! Peut-être notre prochaine destination (mais pas tout de suite) 😉 !