En route pour Dawson City !
Nous venons tout juste de quitter Atlin, il est 17h00. Le trajet qui nous attend est relativement long, 700 kilomètres et 9h00 de route, d’après le GPS. Ça, c’est en été, lorsque les conditions de circulation sont favorables. Aujourd’hui, les routes sont enneigées, glacées et la vague de froid est toujours bien présente.
La sécurité avant tout, nous optons pour un voyage en plusieurs étapes. Ce soir, direction Annie Lake. Non, nous ne retournons pas voir nos chiens mais bien Clem et Morgan qui nous hébergent pour la nuit dans leur super cabine ! C’est l’occasion d’échanger avec eux sur la suite de notre voyage, notre expérience à Atlin ainsi que sur les démarches de prolongation du visa (ne sait-on jamais).
Au petit matin, il fait -43 degrés. Jusqu’à présent, Raccoon ne nous avait jamais fait faux bond… mais ça, c’était avant.
Geoffrey tourne la clé, le véhicule broute, peine à partir puis le moteur se coupe. L’huile du moteur est gelée… La veille au soir, Geoffrey vantait encore les mérites de notre super camion, invincible à toute épreuve, infatigable et toujours prêt à partir, quelles que soient les températures extérieures.
On se résigne à brancher le bloc chauffage du véhicule, la fameuse prise électrique qui pendouille à l’avant de Raccoon et dont nous n’avions encore jamais compris l’utilité. Ce petit imprévu nous donne l’occasion de prendre un café en plus avec Morgan et de le remercier pour son super accueil.
Raccoon finit par démarrer et nous reprenons la route en direction du nord. La température à l’intérieur du véhicule peine à dépasser les 5°C. L’intérieur du pare-brise se givre au contact de notre respiration. Nous conduisons en gants, bonnets, bottes d’hiver et doudounes. On est loin du trajet en première classe.
Avec ces températures, la mécanique de Raccoon doit en prendre un sacrée coup… A chaque secousse, j’imagine le métal de la carrosserie se craquer et se fendre.
Nous roulons depuis plus de cinq heures lorsque nous arrivons à Stewart-Crossing, la jonction qui mène à Mayo, un petit village de 500 habitants où résident Roman et Gab, un couple rencontré quelques semaines auparavant.
C’est l’occasion parfaite de leur rendre visite. 45 minutes plus tard et nous voilà arrivés devant l’hôtel dont ils sont les gérants.
Ce soir, c’est un petit moment de luxe ! Appelons ça comme il se doit ! Ils nous mettent à disposition une chambre d’hôtel vide pour la nuit. Waouh ! Lumière, électricité, lit douillet, moquette au sol, eau chaude sur demande, toilettes et même baignoire ! La chambre est impeccable ! Nous avions presque oublié ce qu’était le confort.
Le lendemain, nous partons tous les quatre à la découverte de Keno, un village encore plus isolé que Mayo.
Il ne compte que 7 habitants, ce qui n’empêche pas de trouver sur place, une pizzéria, un musée et surtout un bar, ouvert 24/24h et 7/7 jours. Keno est une ancienne ville minière désormais à l’abandon, ou presque.
On se promène dans les quelques rues de la ville puis on frappe à la porte du fameux bar. Tout le charme d’antan est resté intact. On pourrait se croire dans les années trente. Le propriétaire des lieux ne doit pas avoir l’habitude de recevoir beaucoup de monde à cette période de l’année. A notre arrivée, il balaie hâtivement les copeaux de bois présents au milieu de la pièce, range la fendeuse et la hache sous une table, dépose une bûche fraichement fendue dans le poêle à bois et lance un 45 tours ! Il n’y a pas de doute, nous sommes dans de l’authentique !
On passe l’après-midi à s’enivrer de houblon et à jouer à des jeux de société avant de rentrer sur Mayo.
On savoure notre dernière nuit à l’hôtel ainsi qu’une bonne douche chaude (Merci encore Roman et Gab pour cet accueil et pour la visite de Keno).
Au petit matin, le thermomètre affiche toujours -40°C, l’occasion parfaite d’essayer le fameux phénomène du lancée d’eau chaude. Pas vraiment rassuré, Geoffrey se saisit de la casserole d’eau bouillante avant de la lancer au-dessus de lui. L’eau s’évapore et se transforme comme par magie, aucune goutte ne retombe au sol. Cela ne fonctionne qu’avec de l’eau bouillante et à partir de -40°C. On n’a pas encore compris le pourquoi du comment, mais une petite explication de la part d’un prof de physique-chimie serait la bienvenue.
Roman en profite pour nous customiser Raccoon avec une plaque de carton fixée à l’avant de la calandre, censée augmenter la température intérieure. Nous gagnerons effectivement quelques degrés, de quoi retirer les gants et le bonnet en conduite.
Nous reprenons la route. Toute la faune locale semble être de sortie (contrairement aux habitants), orignal, renard, lynx avec sa proie, caribou, élan… on est chanceux. La route, quant à elle, est déserte, nous croiserons trois véhicules sur les 230 kilomètres qui séparent Mayo de Dawson.
Il est 16h00 lorsque nous bifurquons sur la Rock Creek road, 20 kilomètres avant Dawson. Le trajet s’est déroulé sans encombre, hormis pour Raccoon, qui n’a pas vraiment supporté le voyage. La durite du liquide de refroidissement a gelé et cassé et une fuite est apparue au niveau du boitier du liquide de direction… Il passera sur le banc du garagiste dans les prochains jours.
Mais d’ailleurs, pourquoi Dawson ?
Après deux mois et demi de mushing à Annie Lake, il était temps de changer de cadre, de rencontrer de nouvelles personnes, de découvrir d’autres facettes du Yukon et d’acquérir de nouvelles compétences. Et puis, dans la liste des incontournables que nous avions rédigée avant de partir au Canada, Geoffrey avait inscrit ; rencontrer un trappeur et apprendre à construire une cabane en rondins !
C’est donc bien ce que nous nous apprêtons à faire ! Après quelques échanges par mails, nous voilà arrivés dans la famille de Shawn. Les semaines qui nous attendent s’annoncent riches en rebondissements !
Pour ce soir, on se contente de décharger nos affaires dans notre nouveau logement, une yourte !