La vraie grande traversée !
Après l’Ontario, nous arrivons au Manitoba. Une quatorzaine est obligatoire mais on n’a pas vraiment compris pour qui elle s’appliquait. Dans le doute, on décide d’avaler les kilomètres et de séjourner un minimum de temps dans cette province.
Pour notre premier soir, on s’arrête près d’un lac que nous avons surnommé, “Beaufland”. Il s’agit de deux petits lacs formés par des anciennes sablières, l’eau est turquoise et incroyablement limpide (Geo l’hydrobiologiste m’informe dans mon oreillette qu’il s’agit d’eau de nappe). Un petit coin de paradis au beau milieu des champs de céréales ? Pas vraiment, le site est fréquenté par un grand nombre de motos, quads, buggy, jet-skis, et, aussi surprenant que cela puisse paraitre, de gros hors-bord s’amusant à faire des aller-retours sur les 200 mètres de longueur du lac. C’est à peine croyable, voire surréaliste, un peu comme si nous sortions notre canoé pour en faire dans la baignoire. Ainsi, ce petit coin de paradis a été nommé “Beaufland” (ce nom ne figure pas encore sur les cartes mais ça ne serait tarder).
Malgré tout, à la tombée de la nuit, il ne reste quasiment plus que nous. Le paysage retrouve alors sa quiétude et sa beauté (ou presque car nous avons tout de même eu droit à un feu d’artifice). On profite du coucher de soleil, d’un bon feu, et des va-et-vient des tortues qui nous rendent visite au bord de l’eau.
On reprend la route et cette fois, ils sont bien là, nous avons trouvé les paysages “plats et plates” comme disent les Québécois (c’est-à-dire plats et ennuyeux).
Nous suivons une route rectiligne, pas une colline à l’horizon, et nous observons des champs à perte de vue. Ayant initié Geoffrey quelques mois plus tôt, on se divertit en écoutant les podcasts sur France Inter “d’Affaires sensibles” (l’instant culture du voyage d’après Geoffrey). Une heure de gagnée à chaque écoute !
Le soir venu, il est difficile de trouver un endroit à l’abri des regards, il n’y a aucun arbre à l’horizon. On s’arrête sur une aire de repos qui ressemble à une oasis de verdure de 50 m² parmi les champs, nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à en profiter (voir photo ci-dessous).
Le lendemain, c’est reparti ! Les kilomètres défilent et on franchit la frontière de la province du Saskatchewan (j’ai mis deux mois à retenir la bonne orthographe) !
Les paysages changent (un peu), le climat est de plus en plus sec, les champs se transforment en prairies avec de petites collines et les puits de pétrole poussent comme des champignons.
En overdose de route, nous décidons de faire un détour (à angle droit évidemment) et prenons la direction du parc national des grandes prairies. Habituellement pas amateurs des terrains secs et arides, nous admirons ce paysage inédit dénué d’habitation. Geoffrey me raconte que le parc serait habité “d’énormes populations de chiens de prairie formant de véritables villes”. N’ayant aucune idée de ce qu’est un “chien de prairie”, j’imagine alors des troupeaux de chiens sauvages vivant en meute, et lui demande si ce n’est pas dangereux. Évidemment, j’ai droit à plusieurs minutes de moquerie avant qu’il ne m’explique que ce sont des espèces de petits rongeurs construisant des terriers et vivant en communauté, d’où les villes (j’aurais dû écouter un podcasts France Inter sur la faune des Grandes Prairies).
Geoffrey freine à plusieurs reprises car ces petites bêtes squattent les bords de route et s’amusent à traverser. On aperçoit aussi un étrange cervidé, je dis à Geoffrey en plaisantant : une antilope ! Nous apprendrons plus tard qu’il s’agissait en fait d’une “antilocarpe”, un croisement unique entre une antilope et une carpe… Super blaaague ! Non, il s’agit tout de même d’une espèce proche de l’antilope. Nous nous installons pour la nuit à l’entrée d’un chemin de randonnée du parc. Nous assistons à un super coucher de soleil sur les prairies. Alors que nous frôlions les 40°C la journée, la nuit ça caille, un vrai désert ! En plus, il y a un vent à décorner les bœufs ce soir (merci M’man pour toutes les expressions que je peux ressortir maintenant). En même temps, il n’y a pas un arbre à l’horizon.
Alors que je sors faire un dernier pipi avant de dormir, un spectacle incroyable s’offre à moi. J’ai l’impression que quelqu’un à accrocher un poster géant de ciel étoilé au-dessus de ma tête. Là, je capote (expression québécoise) ! Eh oui, l’avantage de ne pas avoir d’habitation et de métropole à plus de 500 km, c’est l’absence totale de pollution lumineuse. Je sors mon trépied et l’appareil photo pour immortaliser cette scène. La voie lactée traverse le ciel avec des couleurs comme une photo kitch des années 80. Il y aussi une étrange étoile qui brille avec un voile au-dessus, je suspecte une comète mais elle semble fixe. Après quelques recherches, il s’agissait de la comète “Neowise”, visible uniquement ce soir-là (ou presque), quelle chance !
Voyez-vous la comète ?
Le lendemain nous entrons dans le parc. Il est clôturé sur ses 900 km² car il n’y a pas seulement des chiens de prairie (qui n’en n’ont certainement rien à carrer des clôtures) mais aussi une faune bien plus imposante, les bisons !
Je ne sais pas pour quelle raison, mais avant de débarquer sur le continent américain, je croyais que le bison était une espèce éteinte (un peu comme le mammouth quoi). Après quelques recherches sur internet, je découvre que sur les millions de bêtes broutant auparavant, il ne subsisterait aujourd’hui que quelques troupeaux, réintroduits ici et là, dans des parcs ou autres espaces naturels. Pour info, les bisons ont été exterminés quasiment jusqu’au dernier pour “faciliter la construction du chemin de fer américain”, en réalité, un prétexte pour affamer les populations locales d’amérindiens. Une pierre, deux coups…
Quelques kilomètres après l’entrée du parc, de nouveaux panneaux nous indiquent de ralentir, risque de collision avec un bison ! Waouh, on descend de la voiture pour aller jusqu’au point de vue, où on espère apercevoir un troupeau mais rien… Enfin, si, des colonies de centaines de chiens de prairie qui montent la garde debout (ou assis) sur leurs pattes arrières et qui crient à notre approche avant de disparaitre dans leur trou.
On reprend notre chemin jusqu’à l’accueil du parc, oui, car jusqu’à présent nous n’avions encore pas réussi à acheter notre “pass” pour les parcs nationaux canadiens. Nous voilà maintenant avec nos badges annuels accrochés au rétroviseur, promesse de découvertes à venir.
La garde nous informe qu’un troupeau d’environ 80 individus aurait été aperçu en direction du Sud ! On file avant qu’ils nous échappent ! On voit parfois un bison seul erré ou allongé à brouter. Il s’agit de vieux mâles qui s’excluent des troupeaux. Puis, on les aperçoit, au loin sur la colline. Ni une, ni deux, on empoigne la paire de jumelles, l’appareil photo, de l’eau et une casquette (oui car il faut toujours 40°C, et pas la peine de chercher de l’ombre) et on coupe à travers la pampa. On n’est pas hyper serein, pas à cause des bisons, mais des serpents à sonnette qui cohabitent ici. Même technique que pour les ours, on fait un max de bruit.
On approche, la garde nous avait mis en garde : tendez la main devant vous et regardez votre pouce, si le bison dépasse du pouce, c’est que vous êtes trop près… Ok, bon, on n’ira pas jusque-là (surtout que Geoffrey a de gros pouces, on aurait donc été bien trop près) !
On passe la matinée à les observer et suivre leurs déplacements.
Alors que nous sommes toujours en alerte “canicule”, on décide de se lancer dans une randonnée de 17 km en plein après-midi… Un vrai échec, nous sommes plombés par la chaleur et nous devons nous résigner à rebrousser chemin au bout de 9 kilomètres (l’eau de nos gourdes diminuant bien trop vite…). Décidément, nous ne sommes vraiment pas adaptés à ce type de climat !
Le lendemain nous prenons la route pour l’Alberta, nous retrouvons des puits de pétrole, des champs, des villes, c’est plat et moche (faut savoir être franche parfois). Nous traçons et au bout de quelques centaines de kilomètres (enfin 8 000 km depuis le début), on voit se dessiner au loin des formes familières… des montagnes !
Nous sommes surexcités, c’est la fin du “goinfrage kilométrique”.
Faites place aux Rocheuses !
2 réflexions sur « La vraie grande traversée ! »
Vous me vendez toujours autant de rêve avec vos articles! Laure tu as un talent tout particulier dans l’écriture…on croirait réellement vivre le voyage avec vous tellement on se prend dans l’histoire de votre périple!! profitez profitez! Les Rocheuses seront, j’en suis sûre, plus votre “domaine” que ces paysages “plats et plates” que vous venez de traverser sous 40°C!!! des bisous les copains!
c’est tellement merveilleux, la description de vos vues, magnifique, on s’y croirait. merci merci